« EDF sous l’œil de trois “tutelles” pesantes »

« J’attends d’EDF que… » Le ministre de l’économie use souvent de la formule et va y recourir encore dans les prochains mois. Bruno Le Maire aura les coudées encore plus franches, après le 8 juin, quand le géant de l’électricité sera revenu à 100 % dans le giron de l’Etat actionnaire.

Ainsi se fermera une parenthèse de dix-huit ans, ouverte avec son introduction en Bourse en 2005 et la vente de 16 % de son capital au marché et aux salariés. Une opération malheureuse pour les actionnaires, qui ont perdu 62,5 % de leur mise, et plus encore pour l’entreprise, qui n’a guère profité de cette privatisation partielle. Elle doit désormais redresser sa situation financière et reconquérir son excellence industrielle perdue.

Voilà donc la société débarrassée de la pression de la Bourse. Elle reste néanmoins sous la haute surveillance des agences de notation pour sa dette économique de 100 milliards d’euros, qui lui vaut un BBB avec perspective stable de Standard & Poor’s. La note aurait pu être dégradée si l’Etat n’avait pas rassuré les marchés en affichant enfin sa volonté de relancer le nucléaire. Et dans une économie où l’électricité sans CO2 finira par se substituer aux énergies fossiles, l’entreprise est appelée à jouer un rôle stratégique croissant – sous l’œil de trois « tutelles » pesantes.

Celle de l’Etat, d’abord. La « pile électrique » de la France « doit rester son bras armé sur la politique énergétique », affirme la ministre de la transition écologique, Agnès Panier-Runacher. Renationaliser, c’est faire d’une pierre deux coups, selon Bruno Le Maire : « réaliser dans les meilleures conditions possibles le programme de six nouveaux réacteurs EPR », première étape d’un programme qui en comptera au moins quatorze, et « fixer des exigences claires » à l’opérateur.

La feuille de route de Luc Rémont, PDG depuis six mois, est impressionnante. Il doit redresser la production nucléaire, tombée à un niveau sans précédent ; trouver un modèle économique reposant sur un juste prix de l’électricité, au moment où le gouvernement souhaite qu’il soit « le plus bas possible » pour préserver le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises ; et maîtriser un plan d’investissements sans précédent depuis 1946, puisqu’il faut mener de front la remise à niveau des centrales en service, la construction de nouveaux réacteurs et la montée en puissance des énergies renouvelables.

Un marché de l’énergie aux effets désastreux

Une deuxième « tutelle » pèse sur d’EDF : l’Autorité de sûreté nucléaire, qui n’a cessé d’affirmer son indépendance. C’est elle qui donnera son feu vert (ou non) à la prolongation de la durée de vie des 56 réacteurs au-delà de cinquante ans, voire soixante ans.

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