Léger coup de frein pour Google. Après deux années d’une croissance pharaonique alimentée par la pandémie (+62% en 2021), Alphabet -la maison mère de Google- revient à des standards plus modestes, et même inférieurs à ceux d’avant le Covid. Au second trimestre (de mai à juin), le groupe a réalisé 69,69 milliards de dollars de chiffres d’affaires (69,66 milliards d’euros) soit « seulement » 13% de plus que l’an dernier. C’est sa plus faible croissance depuis le second trimestre 2020 -lorsque les budgets publicitaires s’étaient effondrés-, et 6 points de moins qu’en 2019.
Malgré ce ralentissement, les marchés ont accueilli l’annonce des résultats avec une hausse de plus de 4% de son cours dans les échanges électroniques d’après clôture. Pour cause : le groupe a surperformé par rapport aux attentes, qui étaient maussades étant donné l’état du marché de la publicité en ligne dont Google tire 80% de son chiffre d’affaires. En revanche, ce retour à la normale a poussé l’entreprise à geler temporairement ses recrutements le temps de revoir ses priorités, alors qu’elle recrutait à tour de bras (+21% d’employés sur 2021).
Le désastre annoncé a été évité
La semaine dernière, Snap, autre entreprise dépendante des revenus publicitaires, avait aussi annoncé un ralentissement de sa croissance, et elle s’était effondrée de 33% à l’ouverture de Wall Street le lendemain. Twitter avait quant à lui stagné, ce qui laissait présager une crise du secteur. Les deux avaient justifié leurs résultats décevants par les conditions macroéconomiques difficiles (inflation, guerre en Ukraine, crise des matières premières, spectre d’une récession…). Google leur a fait écho, citant « la perturbation de ses activités en Russie » et « des conditions macroéconomiques qui réduisent drastiquement les budgets publicitaires ».
Mais là où Snap et Twitter pèsent chacun moins d’1% du marché, Google absorbe près de 30% des revenus publicitaires, au point d’être vu comme un baromètre du secteur. Et alors que les deux précités ne dégagent toujours pas de bénéfices, Google a réalisé 16 milliards de dollars (15,77 milliards d’euros) de bénéfice net rien que sur le second trimestre. Ce nombre est certes en baisse de 14% par rapport à l’an dernier, mais il place l’entreprise parmi les plus profitables au monde. Autrement dit, Alphabet reste une valeur sûre, et les turbulences de son principal marché ne sont pas suffisamment importantes pour le déséquilibrer.
Dans le détail, Google a progressé de 13,5% sur le Search (les revenus liés à son moteur de recherche) par rapport à l’an dernier, mais de seulement 4,8% sur YouTube, sa plateforme de streaming vidéo. Cette dernière subit notamment la concurrence de TikTok sur les contenus courts, et celle de Twitch sur le direct.
Une diversification qui n’a pas encore porté ses fruits
En parallèle de la publicité, c’est Google Cloud, la division dédiée à l’informatique dématérialisée, qui tire la croissance du groupe avec 6,28 milliards de dollars de chiffre d’affaires (6,19 milliards d’euros), soit 36% de plus que l’an dernier. Il faut dire que l’entreprise continue d’investir massivement dans le secteur, avec par exemple l’ouverture de datacenters en France. Elle a l’ambitieux objectif de rattraper son retard sur le marché du cloud, où elle tient une solide 3e place (avec environ 10% des parts) loin derrière les leaders Amazon Web Services et Microsoft Azure. Conséquence de cette stratégie, Google Cloud affiche une fois de plus une perte nette, cette fois à 858 millions de dollars (845,8 millions d’euros), et il faudra tirer son bilan à moyen et long terme.
Autre pilier de la diversification du groupe : son grand retour sur le marché des produits. En mai, Google avait présenté sa nouvelle gamme Pixel (smartphone, écouteurs, montre, tablette…), élargie sur le modèle de la gamme d’Apple (iPhone, AirPods, iWatch…). Mais difficile de tirer le bilan de cette stratégie. D’abord, parce que tous les produits annoncés ne sont pas encore sortis, et ensuite, parce que l’entreprise n’y dédie pas de ligne spécifique dans ses résultats financiers. Dans « Google other », qui regroupe entre autres les produits, elle affiche 6,55 milliards de chiffres d’affaires, en légère baisse par rapport à l’an dernier.
Ces deux nouveaux business sont importants pour le futur de Google à moyen terme, car selon plusieurs cabinets d’analyse comme Insider Intelligence, la croissance du marché de la publicité en ligne va continuer de ralentir (à peine 6% en 2026), alors qu’elle s’approche du point de saturation. Pour tenir son cap, le géant de la tech devra donc s’appuyer sur d’autres moteurs.