Publié le 28 juil. 2022 à 18:22Mis à jour le 28 juil. 2022 à 18:55
Jusqu’à présent, aucun dirigeant n’avait vu sa rémunération rejetée à 99,5 % par les actionnaires réunis en assemblée générale. C’est ce qui est arrivé, jeudi matin, à Yves Le Masne, ancien directeur général (DG) d’Orpea, limogé sèchement fin janvier après la déflagration du livre « Les Fossoyeurs » de Victor Castanet dénonçant les maltraitances dans les Ehpad gérés par le groupe.
Un variable de 563.666 euros refusé
Réunis pour la première fois en assemblée générale depuis ce scandale, les actionnaires n’ont fait que suivre les recommandations formulées précédemment par le conseil d’administration. Mi-juin, ce dernier avait averti qu’en appliquant les critères qualitatifs et quantitatifs prévus dans la politique de rémunération pour 2021, Orpea était tenu de verser un variable de 563.666 euros à Yves Le Masne. Ce dernier est accusé dans le livre choc d’avoir mis en place un système pour optimiser les bénéfices au détriment du bien-être des résidents. Ce variable pouvant sembler inacceptable, la seule solution pour éviter d’avoir à verser un tel montant était que les actionnaires votent contre les éléments de sa rémunération au titre de 2021 à l’AG. Yves Le Masne ne touchera, par ailleurs, aucune action gratuite, le critère de présence n’étant pas rempli. Il ne percevra donc que son fixe (soit 760.000 euros) pour 2021.
Soumis au vote, eux aussi, les éléments de rémunération de Philippe Charrier, président du conseil d’administration d’Orpea depuis cinq ans, puis PDG depuis le 30 janvier, date du limogeage d’Yves Le Masne, n’ont recueilli que 72,5 % pour. L’agence de conseil en vote, Proxinvest, avait recommandé à ces actionnaires de voter contre cette résolution car le conseil proposait une attribution exceptionnelle de 13.755 actions gratuites, sans les accompagner de critère de performance. Autre raison avancée, en tant que membre du conseil d’administration, il portait une responsabilité indirecte à la crise. L’américain ISS, aussi, avait recommandé de voter contre.
Renouvellement du conseil d’administration
Les actionnaires ont approuvé à plus de 99 % les nominations au sein du conseil d’administration, du nouveau DG du groupe Laurent Guillot et de Guillaume Pepy qui prendra la présidence du conseil, en remplacement de Philippe Charrier qui a démissionné. La manière dont l’arrivée de l’ancien patron de la SNCF avait été annoncée, début juillet, avait surpris certains spécialistes de la gouvernance. Guillaume Pepy était présenté comme un administrateur indépendant . Or, il avait des liens avec le premier actionnaire du groupe d’Ehpad (14,5 % du capital et 24,15 % des droits de vote), le fonds de pension canadien CPPIB (Canada Pension Plan Investment Board) puisqu’il en était le conseiller spécial sur le marché français depuis deux ans. Depuis, Guillaume Pepy a mis fin à ces fonctions.
L’AG a aussi donné l’occasion à Laurent Guillot, nouveau DG arrivé début juillet et ancien de Saint-Gobain, d’annoncer ses priorités à court terme : la sécurité des conditions de travail des salariés d’Orpea, la qualité des soins et de l’accompagnement des résidents, et le respect de principes éthiques.
Vers une société à mission
En février dernier, Mirova, la filiale de Natixis IM et troisième actionnaire d’Orpea, avait demandé au groupe une refonte de son modèle et l’adoption d’un statut d’entreprise à mission pour garantir le respect des salariés et des résidents . Cette requête a été bien entendue. « Je suis convaincu que transformer Orpea en société à mission est bien l’horizon vers lequel nous devons nous diriger », a indiqué Laurent Guillot, jeudi.
« Ce sera évidemment au conseil d’administration puis ultérieurement à l’AG (…) qu’il appartiendra de se prononcer sur cette question le moment venu », a-t-il ajouté avant de conclure : « Il nous faudra procéder par étapes. Je ne souhaite pas passer un coup de peinture verte sur le bleu Orpea. »