Les députés viennent d’achever leurs travaux d’été et ne retrouveront le chemin de l’Assemblée… qu’au mois d’octobre. Pour la première fois depuis vingt ans, le gouvernement a renoncé à tenir une session parlementaire dès septembre. « Ils disent vouloir changer de méthode, mais la réalité c’est qu’ils n’ont pas le choix. La situation politique fait qu’ils ne sont pas en mesure de mettre une deuxième session extraordinaire à la rentrée, sans quoi ils perdront des votes importants », mesure le député PCF Nicolas Sansu. Traumatisée par un mois de juillet durant lequel elle a plusieurs fois été mise en minorité au Palais-Bourbon, la Macronie ne veut pas revivre l’expérience. « On court dans tous les sens car chaque voix compte. On se retrouve à faire des allers-retours précipités entre les commissions et l’hémicycle pour ne pas perdre les votes. La situation est très instable », indique Thomas Mesnier, porte-parole du groupe Horizons. « Il devient incontournable de discuter des textes en amont, avec tout le monde, en ayant le temps de les étudier », ajoute l’élu Modem Erwan Balanant.
De 2017 à 2022, les députés recevaient des projets de loi interminables seulement quelques heures avant de siéger. Cette année encore, les deux textes sur le pouvoir d’achat leur ont été transmis seulement 24 heures avant leur examen. « On fait tout dans l’urgence. Ça allait encore quand on avait la majorité absolue, mais maintenant on peut se faire battre sur chaque article. Il faut qu’on s’organise mieux, sinon on va dans le mur », souffle un élu macroniste. « Avoir des textes à 60, 80 ou 90 articles, comme dans le mandat précédent, ça ne tient pas », a d’ailleurs prévenu la cheffe de file du groupe Renaissance, Aurore Bergé. Et la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet a personnellement écrit à la première ministre Élisabeth Borne, dès le 19 juillet, afin de revoir le calendrier et le fonctionnement de la chambre. « Que les débats durent sur des sujets importants, c’est normal. Mais qu’on légifère sans repos pendant huit jours de suite, en votant des lois jusqu’à cinq heures du matin, je ne suis pas certaine que ce soit de bonnes méthodes », pointe la députée PS Christine Pirès-Beaune.
Cette façon de fonctionner en rouleau compresseur sur l’Assemblée donnait les résultats attendus par l’Elysée au temps d’une majorité macroniste pléthorique. Elle épuise et fragilise désormais les troupes, qui n’ont plus le temps d’aller en circonscription et risquent des défaites même en ne quittant plus l’hémicycle. « Chaque article devient une bataille », a reconnu Élisabeth Borne, qui souhaite désormais « alléger le programme législatif » et « éviter les chevauchements entre séances, auditions et commissions ». Reste que les projets de loi à venir, sur le budget, l’énergie, l’assurance-chômage et l’immigration, s’annoncent très clivants. Initialement prévu pour début octobre, ce dernier texte fera finalement l’objet au préalable d’une « concertation » et d’un débat au parlement. Mais les grandes lignes présentées par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin – renforcement de la double peine ou encore « certificat prouvant la maîtrise du français et l’acceptation des valeurs de la République » pour l’obtention d’un titre de séjour – ouvrent d’ores et déjà la voie à LR, voire au RN.
« Les textes sur le pouvoir d’achat ont montré le chemin d’une nouvelle majorité, puisqu’ils ont été votés par les députés LR. La Macronie veut consolider cette convergence. C’est aussi à ça que va servir le mois de septembre en réalité », prévient Nicolas Sansu. À prendre soin d’alliés potentiels donc, afin de mieux jouer le coup au Parlement.