Au Japon, la tombe miraculeuse de Jésus

C’est une indication pour le moins étonnante qui apparaît sur la route 454 lors de la traversée de Shingō, petit village des montagnes du département d’Aomori, dans le nord du Japon. « Tombe du Christ », signale un panneau indiquant la direction à suivre. Elle conduit à une éminence boisée à l’écart de la route, qui se tient face à deux monticules de terre dominés par de grandes croix de bois gris. L’un serait la tombe du Christ, l’autre abriterait des reliques : l’oreille d’Isukiri, présumé frère de Jésus, et une mèche de cheveux de la Vierge Marie.

Le Christ étant généralement considéré comme enseveli à l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem, l’affaire pourrait relever du miracle, d’une diabolique machination ou, plus simplement, d’une supercherie. Pour l’élucider, il faut se rendre au musée bâti en surplomb de la sépulture. Après avoir passé la boutique vendant mugs et autres tee-shirts multicolores, le visiteur apprend que la « découverte » de la tombe remonte aux années 1930. À cette époque, le chef du village de Herai, ancien nom de Shingō, fait appel au peintre nationaliste Toya Banzan (1876-1966) pour réaliser une étude devant permettre d’inclure le village dans le parc national du lac voisin de Towada.

Or ledit Toya était fasciné par des textes à l’époque très populaires dans les milieux ultranationalistes, baptisés « manuscrits Takeuchi ». Il s’agissait de documents rédigés sur des peaux de daim, dans une écriture étrange, que Kiyomaro Takeuchi (1875-1965), le fondateur de la secte Amatsu Ontake-kyô – inspirée du culte shinto –, prétendait avoir hérités de sa famille. D’après Kiyomaro Takeuchi, lui-même originaire du département d’Aomori, ces manuscrits dataient de trois mille cinq cents ans. Ils relataient l’histoire secrète du Japon avant le règne du légendaire empereur Jinmu (711-585 avant J.-C.).

Frère crucifié à sa place

Selon ces documents, détruits en 1945 lors des bombardements américains sur Tokyo, Bouddha, Confucius, Mencius ou Moïse auraient tous suivi une formation religieuse au Japon. À une époque de propagande en faveur d’une supposée supériorité nippone, « ces manuscrits voulaient montrer que le Japon se situait aux racines culturelles de la Chine et de l’Occident », observe Ryosuke Okamoto, chercheur à l’université d’Hokkaido.

Le Christ aurait effectué deux séjours au Japon. Le premier dans la province d’Etchū, aujourd’hui le département de Toyama (au centre du Japon). Il aurait étudié les divinités locales avant de retourner en Palestine, où il aurait parlé du Japon à Jean Baptiste et à ses disciples. Les manuscrits ne disent pas si c’est pour cela que Judas l’a trahi. Ils expliquent juste qu’il aurait échappé à la crucifixion en se faisant remplacer par son frère, Isukiri. Puis il aurait fui vers le Japon avec l’oreille d’Isukiri et une mèche de la Vierge Marie. Il aurait traversé à pied la Sibérie jusqu’en Alaska. Au terme d’un périple de quatre ans, il serait arrivé par bateau à Hachinohe (dans le nord-est du Japon), avant de gagner Shingō.

Il vous reste 45.17% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Comments are closed.