En Russie, le retour triomphal de la Moskvitch… sous forte influence chinoise

LETTRE DE MOSCOU

Le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, l’avait promis au mois de mai : puisque les firmes étrangères pliaient bagage, il fallait relancer la « longue et glorieuse histoire de l’automobile russe ». Quelques mois plus tard, le contrat est rempli. Le 23 novembre, M. Sobianine tendait fièrement les clés de la première Moskvitch 3, crossover urbain au moteur à essence et au design résolument moderne.

Quel symbole et quel pied de nez, pour le maire ! Cette Moskvitch nouvelle génération (le nom signifie « Moscovite », en russe) sort des lignes de production de l’ancienne usine Renault de la capitale. En réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la firme française avait cédé à l’Etat russe, au printemps, sa participation majoritaire dans le constructeur automobile Avtovaz. Elle avait également vendu son usine du sud de la ville, désormais rebaptisée « Usine automobile de Moscou Moskvitch ».

L’industrie automobile est l’un des secteurs les plus touchés de l’économie du pays. Entre les constructeurs qui ont fait le choix de partir, malgré des investissements massifs par le passé, et ceux qui ne peuvent plus alimenter leurs usines en pièces détachées, la production a baissé de 96,7 % au mois de mai par rapport à l’année précédente – la chute n’était plus que de 63,9 % en octobre. Moscou a même pris un décret autorisant la fabrication de voitures sans ABS ni airbags.

Le retour de la Moskvitch est censé illustrer la capacité russe à transformer son économie de manière durable – autrement dit, une victoire politique pour Moscou. Si la production attendue en décembre plafonne à 600 unités, l’ambition affichée est de sortir 100 000 voitures par an, pour certaines électriques. La société de taxis Citymobil a déjà fait part de son intérêt pour 2 000 véhicules.

Résurrection progressive

Le symbole est d’autant plus parlant que Moskvitch est une marque mythique de l’époque soviétique. Le monde capitaliste avait Ford, le monde communiste, Moskvitch. Dans l’avenir radieux, toute bonne famille posséderait sa Moskvitch ou sa Jigouli – même s’il fallait pour cela épargner pendant des années, puis patienter autant sur une liste d’attente. La marque, apparue en 1930, n’avait d’ailleurs pas survécu à la fin de l’URSS : après des années à péricliter, elle avait définitivement été mise en faillite en 2006… et son usine reprise par Renault.

La résurrection est certes progressive, mais elle est présentée comme un succès majeur de l’industrie russe, que « l’opération spéciale » en Ukraine aurait même rendue plus forte. La nouvelle a inspiré à l’agence RIA l’une de ces dépêches dont elle a le secret, alimentées uniquement par des commentaires anonymes sur des sites d’information étrangers : « Après le redémarrage de l’usine Moskvitch, les Allemands ont reconnu la futilité des sanctions. » « Les Allemands » étant ici représentés par « MrEchoBravo », commentateur d’un article du Spiegel, qui assure que lesdites sanctions « ne font que renforcer une économie russe dirigée de façon efficace et cohérente ».

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