“J’aimerais que les gens s’accordent le droit de rêver” : Théo Curin, champion du monde handisport, revient sur son exploit, la traversée du lac Titicaca à la nage

l’essentiel Le jeune athlète en situation de handicap, Théo Curin, publie « Défi Titicaca » avec ses partenaires Malia Metella et Matthieu Witvoet qui relate leur périple dans les eaux du lac Titicaca entre Bolivie et Pérou. Rencontre tonique et drôle…

Comment avez-vous vécu depuis l’âge de 6 ans lorsque la maladie s’est emparée de vos bras et jambes ?

Je suis parti à l’âge de 13 de chez mes parents à Nancy pour suivre les cours de Sports-études au CREPS (1) de Vichy. J’ai grandi là-bas en tant qu’ado puis j’ai progressé en tant que jeune homme mais aussi comme sportif. Je suis passé de deux entraînements par semaine à deux entraînements par jour donc forcément je ne pouvais que progresser. C’est ce qui s’est passé puisqu’à l’âge de 15 ans j’ai été sélectionné pour la première fois aux championnats du monde à Glasgow.

Puis les médailles sont arrivées…

Oui en 2017 au Championnat d’Europe, puis l’année d’après deux médailles de vice-champion du monde et une médaille de bronze aux Championnats du monde. Ensuite j’ai arrêté la compétition parce que je faisais face à des problèmes de classification. C’était dur à vivre parce que quand on réalise des sacrifices depuis l’âge de 13 ans, qu’on passe un peu à côté de son adolescence parce que forcément on est quand même un peu plus concentrés que les autres ados de notre âge, on se dit ‘‘J’ai peut-être fait tout ça pour rien finalement ! ’’. Mais, justement, le fait d’avoir créé des défis réguliers m’a permis de me rester motivé et de ne rien lâcher.

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Comment en êtes-vous arrivé à entreprendre le Défi Titicaca qui a consisté à nager 110 km dans les eaux du lac qui sépare la Bolivie du Pérou ?

J’ai créé mes aventures, mes propres challenges du jour au lendemain pour arrêter de dépendre d’une fédération sportive et de galérer. J’ai défini mes propres règles pour que ce soit plus simple et qu’il y ait plus de sens. Et c’est ce qui s’est passé parce que, petit à petit, on a créé une aventure et lorsque nous nous sommes retrouvés en Bolivie pour de vrai, c’était une grande fierté. Puis il y a la fierté d’avoir réussi la traversée, bien sûr, mais ma plus grande fierté est d’avoir rassemblé tous ces gens autour de moi.

Comment avez-vous réussi à les convaincre ?

Ça part d’une idée simple, que j’ai eue tout seul et puis j’ai écrit le projet qui, à la fin, intéresse une dizaine de personnes comme deux coaches, un préparateur physique, un médecin, un psychologue, deux chefs de projet, un cuisinier, des ingénieurs, donc beaucoup de monde et c’est ça ma fierté. J’ai eu la chance qu’ils croient tous en mon projet. Et là aussi je me sens privilégié, j’ai de la chance parce que je réalise mes rêves et que des gens croient en moi. Certains n’ont pas cette chance.

À qui adressez-vous le message volontariste qui est le vôtre ?

J’ai envie que ce message touche tout le monde, pas seulement les personnes en situation de handicap, qu’elles soient valides, en situation de handicap, jeunes, moins jeunes ou même vieilles. Je veux juste que les gens s’accordent le droit de rêver. Il peut nous arriver n’importe quoi dans la vie, à n’importe quel moment mais à chaque fois je pense que l’on a cette capacité à rebondir, et c’est pour tout le monde la même chose.

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Même si la vie est rude, l’essentiel est de s’adapter pour parvenir à l’excellence comme vous…

C’est vrai que la vie a été rude dans un premier temps mais, aujourd’hui, je n’ai aucune difficulté à accepter ce qui s’est passé. Au contraire, j’ai l’impression que j’ai fait le deuil de ma vie d’avant et qu’aujourd’hui je me contente de ce qui se passe et je suis hyper heureux, parce que je rencontre des gens incroyables, je fais des activités (mannequinat, cinéma…) dont je n’aurais jamais pensé qu’elles soient possibles un jour, j’ai des projets que je n’aurais pas eu l’audace de faire sans cette maladie. Alors je ne remercie pas cette maladie, je ne remercie pas la vie d’avoir vécu ça mais en fait cette maladie m’a fait prendre conscience qu’il faut profiter de chaque instant, et dès qu’on a une opportunité il faut la saisir, c’est tout ! Donc maintenant, grâce à tout ça, c’est vraiment du kif et que du kif !

(1) Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive qui participe au réseau national du sport de haut niveau.

À lire : « Défi Titicaca » de Théo Curin, Malia Metella et Matthieu Witvoet, photographies d’Andy Parant (Larousse, 176 p., 19,95 euros) et La Chance de ma vie (Flammarion, 304 p., 19,90 €).

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