« L’année du gaz et des céréales ». Telle est la formule employée par Philippe Chalmin, professeur à l’université Paris-Dauphine, pour qualifier 2022. Un millésime qui restera gravé dans les annales des matières premières. Rarement les tensions auront été aussi fortes sur ces marchés, avec des flambées spéculatives qui se sont traduites par des records de prix historiques, puis des replis marqués.
« Par leur volatilité, les marchés reflètent les angoisses de la planète », commente M. Chalmin. Et des angoisses, les habitants de la planète en ont – réelles mais aussi parfois amplifiées par les acteurs financiers ou politiques. Déjà, en 2021, les cours des matières premières avaient le vent en poupe, propulsés par les emplettes chinoises ainsi que par la reprise économique postpandémique, ce qui avait provoqué des tensions d’approvisionnement. L’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, le 24 février, a donné un coup d’accélérateur à ces hausses.
Ainsi, dans le domaine de l’énergie, les prix du gaz ont bondi de manière inédite, sous l’effet du tarissement des livraisons russes vers l’Europe. Sur les marchés à terme, ils ont atteint en moyenne entre 100 et 125 euros le mégawattheure, avec des pics à plus de 300 euros à l’été, alors qu’ils évoluaient entre 20 euros et 30 euros avant la crise.
Un léger répit s’est cependant installé en décembre sur ce front en Europe, où les températures en deçà des normales saisonnières, le remplissage élevé des stocks de gaz et le racornissement de la demande provoqué par une sobriété subie ont permis un repli des prix autour de 85 euros, soit les niveaux d’avant le 24 février. Dans la foulée, les cours de l’électricité, qui s’étaient, eux aussi, emballés tout au long de l’année, ont été divisés par deux sur le seul mois de décembre et sont revenus sous les 300 euros le mégawattheure.
« C’est sans conteste une année de rupture », résume Patrice Geoffron, directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières. « Comme en 1973, il y aura un avant et un après. A l’époque, nous étions passés du pétrole au nucléaire pour produire de l’électricité. Cette fois, nous n’avons plus de gaz russe et, vraisemblablement, nous ne reviendrons pas en arrière, à moins que la paix revienne, ce qui est plus qu’hypothétique », souligne-t-il.
Crainte d’un manque de disponibilité de blé
« En 2021, les exportations russes de gaz vers l’Union européenne se sont élevées à 140 milliards de mètres cubes. Elles sont passées à 60 milliards en 2022, et il est probable qu’en 2023 il n’y ait plus de gaz russe dans nos systèmes », a rappelé, le 12 décembre, le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, Fatih Birol, à l’occasion d’une conférence de presse à Bruxelles. Ce qui « laisserait un trou encore plus important dans l’approvisionnement en gaz européen et mondial », a-t-il averti, mettant en garde sur les conséquences à en attendre au cours des prochains hivers.
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