Crise du Covid-19 : les touristes n’ayant pas pu profiter pleinement de leur voyage doivent être partiellement remboursés

Au début de la pandémie de Covid-19, de nombreux vacanciers se trouvaient à l’étranger. Leur séjour a été écourté, afin qu’ils puissent rentrer avant que les frontières ne ferment. Lorsqu’ils ont demandé le remboursement des prestations non exécutées, ils ne l’ont en général pas obtenu. En France, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a, le 5 mai 2022, donné raison au voyagiste FRAM, qui refusait d’indemniser une cliente. Pourtant, les touristes avaient droit à un remboursement, a affirmé la Cour de justice de l’Union européenne, le 12 janvier (2023, C‑396/21), à propos du litige suivant.

Deux Allemands rapatriés le 20 mars 2020 de la Grande Canarie (Espagne), sans avoir pu profiter des plages et des piscines, condamnées dès le 15 mars, réclament une « réduction de prix » (par rapport à celui qu’ils ont payé) de 70 % (soit 1 018 euros sur un total de 1 454 euros), à la société FTI Touristik. Ne l’obtenant pas, ils saisissent la justice. Ils invoquent l’article 14 de la directive sur les voyages à forfait, selon lequel « le voyageur a droit à une réduction de prix appropriée pour toute période de non-conformité des services fournis » (il a été transposé dans le code du tourisme français à l’article L. 211-17).

Le tribunal régional de Munich demande alors à la Cour située à Luxembourg si ce droit doit subsister, lorsque la non-conformité est due à des mesures de lutte contre la propagation d’une maladie infectieuse, imposées sur le lieu de destination, mais aussi sur le lieu de résidence, et partout dans le monde.

« Accès direct à la plage »

La Cour répond que oui, car il est « soumis à l’unique condition » qu’il y ait non-conformité, c’est-à-dire « inexécution ou mauvaise exécution des services compris dans le forfait ». Elle précise que la « cause » de la non-conformité importe peu, la directive prévoyant une « responsabilité sans faute de l’organisateur ».

La Cour rappelle qu’il ne faut pas confondre « réduction de prix » et « dédommagement ». Le « dédommagement », également prévu par l’article 14 de la directive, porte sur le « préjudice » subi en raison de la non-conformité des services fournis et prévoit plus d’exceptions (non-conformité imputable au voyageur, certes, mais aussi à un tiers, ou à des circonstances exceptionnelles).

Comment calculer cette réduction de prix ? L’avocate générale de la Cour, Laila Medina, avait, dans ses conclusions, exclu que l’organisateur indemnise « la perte de jouissance de services qui ne relèvent pas du champ du contrat » (accès aux plages publiques et autres lieux extérieurs à l’hôtel). La Cour, elle, affirme que la réduction de prix devra comprendre « non seulement » les obligations « explicitement stipulées au contrat » (animations à l’hôtel, par exemple), mais aussi « celles qui y sont liées résultant du but de ce contrat ». Que signifie cette formule ?

« Si la brochure vantait “l’accès direct de l’hôtel à la plage” ou sa “situation idéale pour visiter la Grande Canarie”, l’impossibilité d’accéder à ladite plage ou de visiter l’île pourrait être considérée comme une non-conformité, alors même que la sortie, individuelle, n’est pas prévue au contrat », analyse Pierre-Yves Gautier, professeur de droit civil à l’université Paris-II-Panthéon-Assas. L’arrêt de la Cour, qui entend « garantir un niveau élevé de protection des consommateurs », ne devrait donc guère plaire aux voyagistes.

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