L’ambition présidentielle de Bruno Le Maire irrite l’Elysée

Il y a foule ce jeudi 5 janvier à Bercy. A un jet de pierre de la Seine, quelque 900 personnes – grands et petits patrons, représentants de fédérations, parlementaires, journalistes – pénètrent dans la cour d’honneur du bâtiment Colbert pour écouter l’homme que les députés de la majorité surnomment sous cape « le vice-premier ministre » : Bruno Le Maire. Le numéro deux du gouvernement amorce ses vœux aux acteurs économiques : « Même lieu, même décor, même ministre. La stabilité règne. » Mais pour sa sixième année à la tête du ministère de l’économie et des finances, le rendez-vous prend soudain des allures d’un discours de politique générale.

L’ancien du parti Les Républicains (LR) s’emporte en évoquant les « défis » qu’il devra affronter. Promet de faire de la France « une grande nation économique au XXIsiècle ». Aborde la réforme des retraites, l’impératif écologique, la mondialisation et la politique internationale, avant de conclure que « les démocraties sont plus efficaces que les régimes autoritaires ».

Comme étourdi par son succès, le locataire de Bercy a fait fi de la consigne donnée par Matignon et l’Elysée d’attendre le 23 janvier et les cérémonies de la première ministre et du chef de l’Etat pour faire sa rentrée. L’épisode n’a pas été du goût d’Emmanuel Macron qui, jeune ministre de l’économie, en août 2016, s’était lui-même envolé vers son aventure présidentielle en sautant dans la navette fluviale de Bercy, pour aller porter sa démission à François Hollande… « Emmanuel Macron ne supporte pas que ça brille à côté de lui », persifle Jean-François Copé, l’ancien président de l’UMP (devenu LR), qui se dit ami de Bruno Le Maire.

« Je peux avoir un avis »

Vu de l’Elysée, le puissant ministre est allé trop loin. « Je veux être clair : 2023 ne marquera pas le retour du “quoi qu’il en coûte” », avertit le normalien devant le parterre de chefs d’entreprise, en décrétant que ce « serait la mauvaise politique au mauvais moment ». « Il y a en France une ivresse de la dépense publique », cingle-t-il, alarmiste. Manque de chance, Emmanuel Macron s’apprête à accueillir, ce jour-là, les boulangers au palais présidentiel pour annoncer de nouvelles aides aux très petites entreprises écrasées par le coût de l’énergie. Le chef de l’Etat laisse éclater sa colère contre les initiatives de son ministre, ricanant des « circulaires incompréhensibles » et de son numéro vert : « J’en ai ras le bol, ça marche pas ! » A Bercy, l’intéressé s’empresse de répercuter la décharge à ses services. « Emmanuel Macron n’aime pas que les ministres s’embourgeoisent », fait valoir un conseiller du Palais.

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