Les transports publics dans le doute face à l’ouverture à la concurrence

Plus de deux cent cinquante élus franciliens ont signé, lundi 2 janvier, une lettre ouverte à Elisabeth Borne. Ancrés à gauche (communistes, LFI, socialistes) ou écologistes, maires de ville comme Gentilly, Montreuil, Bagneux, Colombes ou Ris-Orangis, tous demandent à la première ministre de mettre fin au processus d’ouverture à la concurrence des transports publics en Ile-de-France. Ils dénoncent la « privatisation » des activités de la RATP et la course au moins-disant social, à un moment où les pénuries de personnel désorganisent déjà profondément l’offre de transport à Paris et dans tous les départements limitrophes.

Leur courrier suit celui envoyé en décembre 2022 à Matignon par Anne Hidalgo, également signataire de cette lettre. La maire de Paris y mentionnait le télescopage risqué de deux calendriers : celui de l’ouverture à la concurrence des lignes de bus parisiennes et celui des Jeux olympiques et paralympiques de Paris.

Les conducteurs de la RATP vont être sollicités pour travailler tout l’été et l’automne 2024 et assurer le transport des 9 millions à 10 millions de spectateurs venus du monde entier, au moment même où on leur annoncera qu’ils vont quitter le giron de la Régie publique pour rejoindre Transdev ou Keolis, leurs deux principaux concurrents. Ceux à qui on a fait miroiter une carrière toute tracée – conducteur de bus pendant dix ans, puis conducteur de métro pendant une autre décennie, avant de devenir conducteur de RER – seront-ils alors toujours aussi motivés ?

L’Ile-de-France n’est d’ailleurs pas la seule région où les élus s’interrogent sur l’ouverture du marché des transports. Bourgogne-Franche-Comté, qui avait décidé en janvier 2022 de mettre en concurrence les 17 lignes de TER actuellement exploitées par SNCF Voyageurs, a enclenché la marche arrière mi-décembre. Fini le big bang. Il y aura de la concurrence, mais au compte-gouttes, de façon progressive. En attendant, la région engage une renégociation « constructive » de sa convention avec la SNCF, en lui demandant de réduire ses coûts et d’améliorer la qualité de service.

Ces deux exemples sont révélateurs des doutes qui entourent la gestion des transports publics : le jeu de la concurrence en vaut-il la chandelle quand on voit l’énergie nécessaire pour organiser la transition et les risques de désorganisation ? « Nous sommes dans un cycle conjoncturel peu favorable à la concurrence », reconnaît l’économiste des transports Yves Crozet, professeur émérite à Sciences Po Lyon.

Des transitions compliquées

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