« Pour les armées françaises en Afrique, pas d’influence sans présence »

Les armées françaises sont à la veille d’importantes transformations. Le retour d’une guerre majeure en Europe et la rivalité structurelle entre Chine et Etats-Unis autour de l’espace Indo-Pacifique leur imposent d’adapter une posture héritée des années 1990 et centrée sur les opérations extérieures en Afrique et au Moyen-Orient. C’est la ligne qui devrait orienter la prochaine loi de programmation militaire 2024-2030, dont le projet est attendu au Parlement pour la fin du mois de janvier.

Dans ce nouveau paysage, la présence militaire française en Afrique subsaharienne serait fortement réduite. L’opération « Barkhane » a officiellement pris fin : après neuf ans de guerre et 58 soldats tués, les armées françaises ont quitté le Mali, plus que jamais en proie au terrorisme djihadiste et à la prédation des mercenaires de Wagner. Il en va de même pour la République centrafricaine, que les derniers militaires français ont quittée le 15 décembre 2022. L’avenir du contingent de forces spéciales au Burkina Faso paraît, quant à lui, très compromis, tandis qu’au Niger et au Tchad une approche discrète devrait prévaloir pour l’heure.

Ce rappel des forces opérationnelles était attendu et compréhensible au regard des nécessaires arbitrages dans le contexte stratégique et budgétaire. La volonté affichée de réduire la place du militaire dans les relations franco-africaines est aussi louable. Il convient cependant de prendre garde que la résolution à penser autrement la stratégie française en Afrique ne conduise à une remise en cause des outils essentiels de coopération tels que les éléments français au Sénégal ou les forces françaises en Côte d’Ivoire. L’effet d’une éventuelle liquidation du cœur du dispositif prépositionné enverrait un message radical de retrait de la France, jusqu’alors dernier pays européen à attester de sa volonté de participer activement à la sécurité du continent.

Appel d’air géopolitique

La motivation d’une telle décision consisterait à substituer l’influence à la présence. Cette dernière est perçue comme une rémanence d’un passé colonial, dont Emmanuel Macron cherche depuis 2017 à tourner la page. Les « bases » de Dakar et d’Abidjan semblent être vues par certains à Paris comme l’une des sources d’un mécontentement populaire, et leur suppression comme la condition d’une revalorisation de l’image de la France. A l’inverse, une stratégie d’influence exercée sans présence sur le terrain serait, pense-t-on, plus discrète et moins exposée. Cette vision mérite d’être examinée sous plusieurs angles. D’abord, parce que les forces prépositionnées en Afrique ont déjà été réduites au strict minimum. Le dispositif est passé de 8 000 hommes dans les années 1990, à quelque 1 600 aujourd’hui.

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