Ceux qui s’intéressent encore au fonctionnement de la vie parlementaire ont l’occasion depuis des mois de revisiter, l’un après l’autre, les articles de la Constitution qui ont abouti à bétonner le parlementarisme rationalisé. Oui, mais voilà, la réforme des retraites a été promulguée à la mi-avril et la guerre de procédure entretenue depuis par ses opposants ne fait guère recette.
On comptait peu de manifestants, mardi 6 juin, pour soutenir la contestation démocratique qui continue de se jouer au Palais-Bourbon comme à guichets fermés, parce que tout y apparaît très technique et finalement assez vain : après la polémique suscitée par le déclenchement de l’article 49.3 pour faire adopter l’allongement de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, c’est le recours à l’article 40 qui a provoqué, mardi 6 juin, l’indignation des oppositions, aussitôt suivie par la menace du dépôt d’une nouvelle motion de censure qui a toutes les chances de ne pas être adoptée, faute de majorité absolue pour la voter.
Cette fois, ce n’est pas le gouvernement mais la présidente de l’Assemblée nationale qui s’est retrouvée dans la tourmente. Yaël Braun-Pivet s’était fait élire il y a un an sur la promesse de revaloriser les droits du Parlement. Elle a été accusée de trahir ses engagements en brandissant l’article 40 de la Constitution, qui proscrit toute initiative parlementaire aboutissant à diminuer les ressources publiques.
L’objet à abattre avait pris la forme d’une proposition de loi déposée, au lendemain de la promulgation de la réforme des retraites, par les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires pour tenter de l’abolir et de revenir aux 62 ans. Soutenu par la Nupes, le RN et certains députés LR, le texte avait été jugé recevable par le bureau de l’Assemblée nationale au nom d’une tolérance accordée aux propositions de loi. Il avait cependant subi un important revers la semaine dernière avec le rejet en commission des affaires sociales de sa principale disposition.
Course à la radicalité
Avant même d’être menée, l’ultime bronca des oppositions apparaissait vouée à l’échec. Il faut donc s’interroger sur les raisons qui les ont conduites malgré tout à l’engager. Le sentiment d’un passage en force à propos d’une réforme considérée comme injuste et majoritairement rejetée par l’opinion publique a incontestablement aggravé la contestation du fonctionnement de la Ve République.
Le malaise n’est pas nouveau, il faut le prendre au sérieux. Les deux Assemblées parlementaires sont actuellement parties prenantes d’une réflexion sur l’évolution des institutions. Elles doivent disposer d’une vraie marge de manœuvre pour trouver les moyens de renforcer les droits du Parlement.
Mais la course à la radicalité qui s’est engagée depuis un an mérite aussi d’être questionnée, au regard des faibles résultats obtenus. Les mêmes qui reprochent aujourd’hui
au gouvernement d’avoir éludé le vote sur la réforme des retraites ont tout fait pour empêcher que ce vote ait lieu au début de la discussion parlementaire. La stratégie de Jean-Luc Mélenchon, qui a alors tenté de prendre la tête des oppositions, était de conjuguer la bataille parlementaire et le combat dans la rue pour faire vaciller le régime. A l’évidence, le but n’est pas atteint : la réforme est passée et le Parlement n’a pas redoré son blason. Une réflexion s’impose.
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