Avec son rapport annuel sur l’évolution du niveau des salaires dans le monde, l’Organisation internationale du travail (OIT) donne incontestablement du grain à moudre à ceux qui revendiquent des augmentations de salaires, à l’instar des travailleurs qui prévoient de descendre dans la rue sur le sujet à l’appel de la CGT, le 1er décembre, ou même des gilets jaunes qui déplorent la dégringolade de leur pouvoir d’achat. L’OIT constate, d’une part, que la croissance mondiale des salaires est retombée à son plus bas niveau depuis 2008, bien en dessous des niveaux prévalant avant la crise financière mondiale, et, d’autre part, que l’écart des salaires persiste entre les femmes et les hommes. Ce dernier s’établit en moyenne à 20 %.
Selon ce rapport, ce sont les salariés des pays les plus avancés du G20 qui font le plus les frais de la stagnation des rémunérations. Dans les pays les plus riches, la croissance des salaires réels s’établissait à 0,4 % en 2017, contre 0,9 % en 2016. En Europe occidentale, elle est passée de 1,6 % en 2015 à 1,3 % en 2016. Le ralentissement se poursuit avec une progression quasi nulle en 2017, conséquence de la faiblesse des salaires en France et en Allemagne et de leur baisse en Italie et en Espagne.
Dans les pays émergents et en développement du G20, la croissance des salaires a également ralenti, de 4,9 % en 2016 à 4,3 % en 2017. Le coup de frein est donc général, la progression des salaires passant de 2,4 % en 2016 à 1,8 % en 2017 dans les 136 pays où elle a été mesurée. En cause, selon l’OIT : la faiblesse des gains de productivité, l’intensification de la concurrence mondiale, le recul du pouvoir de négociation des travailleurs et l’incapacité des statistiques du chômage à rendre compte de la réalité du marché du travail. « Ces salaires qui stagnent sont un obstacle à la croissance économique et à la hausse des niveaux de vie. Les pays devraient explorer, avec leurs partenaires sociaux, les moyens de parvenir à une croissance salariale durable du point de vue économique et social », estime Guy Ryder, le directeur général de l’OIT, pour qui la situation ne devrait pas s’améliorer en 2018. À noter que, dans les économies à revenu faible et intermédiaire, environ 50 % des salariés travaillent dans l’économie informelle. Sans droits ni moyens de négociation.
« C’est l’une des plus grandes manifestations d’injustice sociale »
Autre sujet de préoccupation de l’organisation internationale : les inégalités salariales entre hommes et femmes. Ces écarts de rémunération « représentent aujourd’hui l’une des plus grandes manifestations d’injustice sociale », a commenté Guy Ryder, avant de conseiller à tous les pays « d’essayer de mieux comprendre » ce que cache cet écart, et « de progresser plus rapidement vers l’égalité des sexes ». Le rapport rejette l’argument traditionnel selon lequel les inégalités salariales résulteraient du niveau inférieur d’éducation des femmes par rapport aux hommes. Dans les pays et les secteurs où elles sont plus éduquées que les hommes, les inégalités de rémunération persistent. Les auteurs du rapport pointent en revanche les conséquences de la sous-évaluation du travail féminin, qui alimente non seulement les écarts salariaux, mais plus globalement le niveau des rémunérations des femmes comme des hommes. Ainsi, Rosalia Vazquez-Alvarez, l’une des auteures du rapport, remarque que « les salaires des hommes et des femmes tendent à être inférieurs dans les entreprises et les professions où la main-d’œuvre féminine est prédominante ».