SDF : La politique du « logement d’abord » cherche un second souffle, cinq ans après son lancement

A l’époque où Yéti (il s’agit de son « nom de rue ») a croisé le chemin des travailleurs sociaux du service Totem, à Grenoble, il était sans domicile fixe (SDF) depuis l’adolescence, avait des problèmes de santé et d’addictions, et un chien – « [sa] famille » – dont il refusait de se séparer. Cela lui barrait l’accès à la quasi-totalité des centres d’hébergement et lui rendait impensable l’accession à un logement pérenne.

A rebours des usages, l’équipe de Totem l’a aidé à obtenir un appartement en quelques semaines. « C’est la philosophie du “logement d’abord” : ne pas faire de diagnostic sur la “capacité à habiter” de la personne, mais accéder à son souhait, en proposant un accompagnement, intensif si nécessaire », explique Lionel Thibaud, chef du dispositif Totem, dédié à l’accès au logement des « grands exclus ».

Inspirée du programme américain « housing first » (le « logement d’abord »), cette logique a été expérimentée en France, au niveau national, à partir de 2009, « par un secrétaire d’Etat au logement de droite, Benoist Apparu, car cela coûtait moins cher de loger les gens que de les mettre dans des centres d’hébergement durant des années », sourit Lionel Thibaud. Changement d’échelle, en septembre 2017 : Emmanuel Macron, qui avait dit, quelques semaines plus tôt, ne plus vouloir « d’hommes et de femmes à la rue », lance un plan quinquennal s’inspirant du même principe.

Grenoble-Alpes Métropole, déjà impliquée sur ces sujets, devient alors l’un des quarante-six territoires de mise en œuvre accélérée du plan. Sur cinq ans, elle investit 1,3 million d’euros, en sus des près de 2 millions accordés par l’Etat. Cinq postes spéciaux sont créés, ainsi qu’une plate-forme de coordination avec les services sociaux, les bailleurs HLM et les associations…

« La métropole a joué le jeu »

Des permanences sont organisées dans les accueils de jour pour sans-abri. L’accompagnement est renforcé, avec un volet médical, car les problèmes de santé, notamment mentale, sont fréquents. Afin d’ouvrir l’accès au logement à des jeunes sans ressources de moins de 25 ans, qui n’ont pas droit au revenu de solidarité active, une expérimentation consiste à verser à une vingtaine d’entre eux un pécule de 500 euros mensuels. Diverses actions sont lancées pour augmenter le parc de logements à bas prix. « La métropole a joué le jeu, commente la sous-préfète de l’Isère Nathalie Cencic. Et désormais, tout le monde est d’accord sur la stratégie. »

A l’échelle nationale, ce premier plan de cinq ans a permis à quelque 440 000 personnes sans domicile d’accéder à un logement, selon un bilan présenté début février en conseil des ministres par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, et le ministre délégué chargé de la ville et du logement, Olivier Klein. Le principe d’un deuxième plan a été acté, son financement pour 2023 adopté dans le cadre du projet de loi de finances. Mais, pour l’heure, sans plus de précisions.

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