La guerre des « stups » de Saint-Ouen devant le tribunal

Des immeubles de logements sociaux de la cité des Boute-en-Train, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), en avril 2018.

En haut de la chaîne, Audi, Rolex et suites de luxe payées avec l’argent de la drogue… A l’autre bout, coups de marteau, « tartasses » et règlements de compte. C’est l’histoire d’un trafic aussi violent que prospère, qui se retrouve une nouvelle fois devant le tribunal correctionnel de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, jeudi 13 avril. La queue de comète d’une guerre des « stups » qui a longtemps miné la cité des Boute-en-Train de Saint-Ouen, qui s’est vidée de ses derniers habitants en décembre 2021 avant un projet de rénovation urbaine.

Douze des membres présumés du trafic des « Boutes » sont appelés à comparaître. Agés de 24 à 39 ans, ils sont renvoyés pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de la commission de délits punis de dix ans d’emprisonnement », d’« acquisition, détention, transport, offre ou cession de produits stupéfiants », pour certains en récidive.

Deux sont en fuite – dont le chef présumé du réseau, El Mehdi Z., un producteur de rap de 33 ans installé au Maroc. La treizième membre, seule femme du dossier, Sara B., est renvoyée pour « non-justification de ressources par une personne en lien avec une personne se livrant au trafic de produits stupéfiants ». En couple avec le bras droit du boss, elle s’est vue offrir voyages, sacs de marque, liasses de cash et même une rhinoplastie, en toute connaissance de l’origine de l’argent.

Nous sommes en août 2020. El Mehdi Z. au surnom évocateur, « Malsain », règne alors sur l’un des plus gros points de deal de région parisienne depuis son domicile marocain, déléguant la gestion du terrain à son homme de main dans la cité, le dénommé Mohamed Salah M., dit « Mojito ». A la clé : un bénéfice estimé entre 10 000 et 16 000 euros par jour par les enquêteurs, et dans lequel chacun tenait son rôle et tirait son billet. Les « humains » en haut, les « bosseurs » en bas, selon les termes utilisés par les trafiquants, et de 80 à 2 000 euros à gagner sur la journée selon son rang.

Parmi les treize renvoyés, « Mojito » ne cachait pas son train de vie : voyages luxueux – notamment une semaine en Grèce à 8 000 euros –, voitures, appartement à Marrakech… Face à la juge d’instruction, il finit par reconnaître être le « gérant » du point de deal des Boutes depuis avril 2020.

Les autres admettent plus ou moins leur statut dans le réseau : « trésorier », « gérant » de point de vente de jour ou de nuit, « nourrice » cachant l’argent, « rechargeur » ou « services » rendus en donnant des instructions aux guetteurs ou aux vendeurs… L’organisation est rodée et verticale, et gare à celui qui ne respecterait pas les directives.

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