Légende du cyclisme français, Jeannie Longo, triple lauréate du Tour de France féminin dans les années 1980, pointe “quelques équipes de trop, n’ayant pas le meilleur niveau international” sur la Grande boucle dont elle fait toujours d’Annemiek van Vleuten la favorite, avant le week-end décisif dans les Vosges, dans un entretien téléphonique à l’AFP.
Annemiek van Vleuten reste-t-elle la favorite malgré sa minute et demie de retard sur Marianne Vos ?
Elle va jouer son va-tout dans les deux dernières étapes. Il n’y a que sur ce terrain qu’elle peut s’exprimer correctement. Elle a les moyens de reprendre quelques minutes. Je pense qu’elle ne doit pas être très à l’aise dans ce peloton de 144 éléments avec ces disparités de niveau.
Est-ce que cela peut expliquer certaines chutes ?
Il y a, à mon avis, quelques équipes de trop, des équipes n’ayant pas le meilleur niveau international avec des jeunes qui frottent sans marge de manœuvre. Elles passent avec à peine la place pour le guidon, alors forcément ça touche partout. Certaines ont peut-être un manque d’attention aussi. Des femmes qui rentrent de plein fouet dans un peloton par terre comme lundi, ce n’est pas normal. Selon moi, 144 coureuses au départ, ça fait beaucoup. Mais les chutes arrivent toujours.
L’organisation et les moyens sont-ils supérieurs au Tour des années 1980 ?
Non, nous avions les routes complètement pour nous, les motards de la garde républicaine pour les transferts et tout. C’était génial, nous avions le meilleur en matière d’organisation. Le public du mois de juillet du Tour masculin était là pour nous aussi. Les deux premières années, les gens ne savaient même pas qu’il y avait un Tour féminin (en lever de rideau, NDLR) car il n’y avait pas eu la communication de cette année. Mais ensuite, ils venaient exprès, même les étrangers venaient encourager les leurs. Ça a été une volonté d’arrêter le Tour de France féminin. Il a été dit que c’était compliqué, que ça coûtait de l’argent. Les organisations en général, quand il y a un moment de faiblesse économiquement parlant, elles gardent les messieurs, le haut du paquet, et délaissent ce qui rapporte un peu moins.
Est-ce toujours le risque ?
J’ai rencontré des femmes célèbres et formidables telles qu’Antoinette Fouque ou Simone Veil. Elles m’ont toujours dit: “Il faut faire attention parce qu’il y a des années euphoriques pendant lesquelles on fait attention à nous mais ça retombe vite”. On a l’impression que l’homme ravale sa fierté en disant “Faut des femmes” mais ça n’a rien d’acquis, ce n’est jamais définitivement acquis.
On n’imagine plus Marc Madiot affirmer qu’une “femme sur un vélo c’est moche” comme il vous l’a dit en 1987 à télévision…
Il a évolué, c’était un jeune homme du peloton. Je pourrais en citer d’autres. Ils étaient quelques-uns à ne pas apprécier particulièrement que je sois mise en avant et que les femmes fassent les mêmes choses qu’eux. C’étaient des géants de la route et nous arrivions en petites naines du macadam, comme je nous appelais à l’époque.
Une naine au palmarès immense, avec cinq titres mondiaux de la course en ligne (1985-1987, 1989, 1995), trois Tours de France (1987-1989) et un titre olympique (1996)… Quel est le meilleur souvenir ?
Ils sont différents. Avec le titre olympique, j’ai eu l’impression que tout changeait. C’était comme un laissez-passer. Le regard des gens change complètement, c’est la planète qui vous regarde. Lors des JO, le public regarde toutes les disciplines, tous les sports. Mais c’était beaucoup d’émotions d’arriver sur les Champs-Elysées en jaune, aussi. Je ne me souviens plus si j’avais paradé avec Pedro Delgado. Mais avec Greg (LeMond) et Stephen (Roche), oui. Avec Stephen, ça a été tous les deux notre grande année (1987), nous avons fait le doublé Tour de France et Championnat du monde.