[VIDEO] Chaos au Stade de France : après l’avalanche d’agressions et de vols, la police mène toujours un travail de fourmi

À bas bruit, une fois retombé le fracas international du fiasco de la finale de la Ligue des champions 2022, une cellule d’enquête spéciale de policiers de Seine-Saint-Denis a traqué les auteurs de la myriade de vols et d’agressions qui ont semé le chaos autour du Stade de France.

Dans la confusion généralisée de cette soirée du 28 mai 2022 à Saint-Denis, les 81 interpellations en flagrance n’ont abouti qu’à six condamnations en comparution immédiate au cours des jours suivants au tribunal de Bobigny. Une goutte d’eau au regard des plus de 250 plaintes recueillies par la justice autour de ce match.

“Il est toujours extrêmement difficile quand on a un mouvement de masse, de foule, de passer de la gestion de l’ordre public à du judiciaire”, note le procureur de Bobigny Eric Mathais, “il faut dire précisément qui a fait quoi”.

Pour tenter de redorer l’image ternie de la France à l’étranger, les autorités ouvrent donc deux semaines après la finale une enquête générale pour vols et violences aggravés contre les supporters. Une cellule spéciale est mise sur pied au service de la sûreté territoriale de Seine-Saint-Denis.

Réquisitionnant une salle de l’hôtel de police de Bobigny, douze enquêteurs vont se consacrer pendant quatre mois, à plein temps, au décorticage des événements survenus autour de l’enceinte sportive en marge du choc Liverpool-Real Madrid. Un luxe de moyens normalement réservé aux procédures les plus sensibles.

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Dans ce flot d’informations, il fallait arriver à individualiser des actions, identifier les auteurs des infractions et ensuite trouver la domiciliation de ces individus pour les interpeller

S’immergeant dans les milliers d’heures de vidéosurveillance de la zone enregistrées ce soir fatidique – auxquelles manquent les caméras du Stade de France, effacées automatiquement faute de réquisition à temps -, les policiers vont patiemment bâtir des dossiers judiciaires. Plan par plan, ils dissèquent les vidéos, cartographient, établissent des frises chronologiques.

“Dans ce flot d’informations, il fallait arriver à individualiser des actions, identifier les auteurs des infractions et ensuite trouver la domiciliation de ces individus pour les interpeller”, explique à l’AFP Lionel Lamy-Saisi, chef de la sûreté territoriale.

Assez rapidement, trois dossiers se détachent de la masse.

Pour une violente agression d’une famille de supporters espagnols par une dizaine de personnes à la sortie du match, qui vaut au père d’avoir le crâne fracassé, les policiers identifient deux sans-abris dont ils remontent les traces grâce à la téléphonie. Interpellés, ceux-ci écopent de 18 mois de prison dont une partie avec sursis.

Le groupement se penche aussi sur des violences contre un escadron de gendarmes mobiles sur le parvis du stade après le coup d’envoi de la rencontre, reporté de 35 minutes à cause du désordre ambiant.

Tentative d’homicide volontaire

“C’est un travail de fourmi, on a énormément d’individus face aux forces de l’ordre. On a travaillé sur eux de manière individuelle, en retraçant leur itinéraire, en essayant de voir où on pouvait voir leur visage et on a réussi pour deux d’entre eux”, raconte la capitaine Nora Meraghni qui a dirigé la cellule, dont l’activité s’est arrêtée fin octobre.

Pour ce volet de l’enquête, deux hommes sont interpellés et condamnés à 15 mois de prison ferme pour l’un et 12 mois avec sursis pour l’autre.

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En explorant les bandes de la SNCF, un enquêteur découvre également une tentative d’homicide volontaire contre un supporter anglais, qui ne faisait l’objet d’aucun signalement. Détroussé par un groupe sur le quai du RER D, le sexagénaire est jeté contre une rame en partance, sur laquelle sa tête rebondit, avant qu’un compagnon ne le rattrape au moment où il s’apprêtait à glisser inconscient sous le train. Le drame est évité de justesse.

Les policiers prennent contact par les réseaux sociaux avec la victime, qui a écopé de 90 jours d’ITT (incapacité totale de travail), pour qu’elle dépose plainte : “Il n’y croyait pas, il avait peur que ça soit une arnaque !”, sourit Nora Meraghni.

En parallèle, ils retracent à rebours sur les vidéos le cheminement de deux agresseurs sur toute la soirée, jusqu’à aboutir à l’immeuble d’où ils sont partis. Interpellés à leur tour mi-octobre, deux suspects sont mis en examen et placés en détention provisoire. L’enquête se poursuit sous l’égide d’un juge d’instruction.

Avec six interpellations pour un travail de titan, “nous avons eu des résultats numériquement modestes par rapport à l’investissement”, concède à l’AFP le procureur Eric Mathais, mais pour répondre à un “phénomène d’ampleur exceptionnelle, il fallait un dispositif exceptionnel”.

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