ENTRETIEN. Un “remaniement de confort” : que faut-il penser des changements opérés par Élisabeth Borne au sein du gouvernement ?

l’essentiel Une dizaine de changements : voilà en somme ce qu’il fallait attendre du remaniement proposé par Emmanuel Macron et Élisabeth Borne. Roland Cayrol, politologue, revient pour La Dépêche du Midi aux changements qui ont été opérés au sein  du gouvernement. 

Quel regard faut-il porter sur les nouveaux noms du gouvernement Borne III ?

Ce qui a été annoncé aujourd’hui par l’Élysée suggère l’idée qu’il s’agit là d’un remaniement de confort pour le président de la République et pour la Première ministre. Ce n’est pas un remaniement qui va permettre de marquer le coup auprès de l’opinion. On a cependant des remplacements qui permettent de se débarrasser de certains ministres dont on ne voulait plus, comme Marlène Schiappa ou Pap Ndiaye. C’est comme si un professeur principal sanctionnait dans sa classe quelques élèves qui n’ont pas donné satisfaction, sans que cela ne donne une classe nouvelle. Cela permet par ailleurs d’avoir, dans la composition interne du gouvernement, des sensibilités politiques que l’exécutif souhaitait avoir avec soit. 

On compte une dizaine de changements au sein du gouvernement, est-ce peu pour un remaniement ? 

C’est peu pour un gouvernement aussi nombreux : on compte aujourd’hui 42 ministres. Cela prouve qu’il s’agit là davantage d’un “ajustement”. Normalement, les remaniements sont presque toujours justifiés sous cette République par l’envie de former une équipe plus efficace, et généralement plus réduite. Là, ce n’est pas le cas. On a une équipe extrêmement nombreuse, composée de toutes les sensibilités possibles et imaginables de la majorité relative. On ne voit pas en quoi ce serait plus une équipe de combat que la précédente… 

Qu’est-ce que ces nouveaux noms disent de la feuille de route à venir pour la Première ministre ? 

Il y a sans doute l’espoir – dans les secteurs qui ont été annoncés prioritaires comme la Santé, le Logement et l’Éducation Nationale – d’avoir quelque chose de plus efficace. Et surtout dont l’efficacité se voit plus. C’est évidemment très clair avec Gabriel Attal, qui est le symbole même de l’activisme gouvernemental qui réussit dans l’opinion. Il s’agit là d’un des ministres les plus populaires du gouvernement : il l’a en tout cas été comme porte-parole, il l’a aussi été au Budget. On le met à l’Éducation Nationale, dans le dossier sensible. Je crois qu’on fait la même chose dans les autres ministères cités précédemment. 

Ce gouvernement est-il capable de forger des coalitions politiques avec des groupes d’opposition ?

Il y a une véritable main tendue à tous les groupes qui sont dans la majorité relative. Il ne faut que certains groupes aient de mauvaises interprétations, donc on les cajole à quelques mois d’une élection européenne qui comptera. Mais ça ne dit rien sur l’élargissement de la majorité elle-même. Il n’y a pas d’effort spécial auprès de ceux dont on espère que texte par texte, rejoindront la majorité. 

Gabriel Attal, Aurore Bergé… De nombreux trentenaires ont fait leur entrée au sein du gouvernement. Élisabeth Borne a-t-elle fait le choix de la jeunesse ? 

Il y a sur ce point une volonté de choix, le souhait de marquer l’opinion à travers des profils supposés énergiques et efficaces. Ces jeunes-là ont vraiment montré qu’ils en voulaient, et qu’ils souhaitaient entrer au gouvernement. Aurore Bergé exprimait presque sa déception à chaque fois qu’il y avait une rumeur de remaniement et qu’elle n’en était pas. À eux de faire leurs preuves. 

Faut-il craindre une sorte de manque d’expérience de la part de ces jeunes ministres ? 

C’est l’éternel problème. C’est toujours bon pour une équipe au pouvoir de se renouveler et de montrer qu’on a des jeunes qui sont capables de montrer un autre visage de la politique. Mais l’inconvénient, c’est que gouverner, ça devient un métier de plus en plus complexe et de plus en plus technique. Il y a le risque de couacs, de gaffes, et que l’on ne soit pas assez professionnel. Ceci dit, Élisabeth Borne a opté pour de jeunes parlementaires, qui ont été particulièrement actifs à l’Assemblée Nationale. On a le sentiment que c’est un facteur important lorsque l’on cherche à entrer au gouvernement.

Qu’est-ce qui attend désormais Élisabeth Borne et son gouvernement ?

Le sort de la Première ministre n’est pas réglé pour les mois qui viennent. On est sûr qu’Élisabeth Borne sera là jusqu’en septembre ou en octobre, mais rien au-delà. Il est même probable que pour affronter la période électorale, le président de la République aura besoin de changer de Premier ministre. 

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