Par Sébastien Crépel
Ce qu’il est convenu d’appeler désormais « l’affaire Iquioussen » est un cas d’école de la dangereuse fuite en avant du ministre de l’Intérieur et du gouvernement, dont il est un membre éminent. En décidant d’expulser vers le Maroc l’imam du Nord et de le faire savoir dans un vocabulaire particulièrement martial, Gérald Darmanin n’entend pas simplement éloigner un extrémiste religieux dont le discours antirépublicain, misogyne et antisémite ne fait pas l’ombre d’un doute. Rappelons au passage que l’individu en question sévit au vu et au su de tous depuis maintenant près de deux décennies sans que les ministres successifs n’y trouvent rien à redire. En janvier 2004, l’Humanité dénonçait dans un portrait fouillé du personnage « la culture de la haine antijuive » qui animait déjà les prêches d’Iquioussen, et s’interrogeait sur « le silence de plomb » d’un dénommé Sarkozy, alors en fonction Place Beauvau.
Dix-huit ans plus tard, on pourrait penser que le pouvoir a enfin pris la mesure du problème. Las ! L’actuel ministre de l’Intérieur semble moins intéressé par la manière de le résoudre, avec détermination mais dans le respect du droit, que par le profit politique qu’il en escompte pour son combat du moment : celui de relier, selon une rhétorique identifiante de l’extrême droite, l’immigration, la délinquance et le fanatisme islamiste. Comme si l’ensemble formait une seule réalité où se fondent, unis par une même phobie, les étrangers, réfugiés ou non, et nos compatriotes musulmans. Plus besoin de Le Pen et de ses 89 députés, le ministre Darmanin parle à leur place, selon un sinistre calcul visant à paralyser les oppositions RN et LR. Quitte à brutaliser l’État de droit en promettant de plier les lois de la République à ses volontés si les juges ne lui cèdent pas.
Le décor est planté du « grand débat » sur l’immigration promis à la rentrée : double peine généralisée, expulsion facilitée des demandeurs d’asile, diminution des délais de recours… Un abaissement des droits humains se prépare, dont le danger du « séparatisme » n’est que le prétexte.
Plus besoin de Le Pen et de ses 89 députés, le ministre Darmanin parle à leur place.