C’est un revirement opéré en l’espace de vingt-quatre heures. La Fnac a en effet annoncé, mardi 29 novembre, reprendre la vente du jeu de société Antifa retiré la veille de ses rayons après des critiques formulées sur Twitter, venues notamment de l’extrême droite. L’enseigne de commerce a finalement estimé que le jeu ne comportait « rien de nature à justifier un refus de le commercialiser ».
« Ne connaissant pas le contenu exact de ce jeu et dans l’attente d’une vérification approfondie, nos équipes ont décidé à titre de précaution d’en suspendre la vente », avance mardi la Fnac dans un communiqué. Mais « depuis hier, nous avons pris le temps d’analyser en profondeur le contenu du jeu », fait savoir le distributeur pour justifier son revirement.
La chaîne de magasins a donc « décidé de lever la suspension et de reprendre la vente du jeu », « conformément à sa mission de diffuseur culturel qui commercialise tout ce qui est autorisé par la loi, dans l’esprit qui a toujours été le sien de liberté et de diversité ».
Levée de boucliers à l’extrême droite
« Ce week-end, les équipes de la Fnac ont été alertées par nos clients au sujet du jeu Antifa, qui n’avait pas été référencé au niveau du groupe, mais que certains magasins Fnac avaient décidé de mettre en rayon, comme ils en ont la liberté », explique le distributeur.
Dimanche, le Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) avait notamment critiqué la Fnac en l’accusant de « mettre en avant les antifas, qui cassent, incendient et agressent dans les manifestations ».
Plusieurs élus du Rassemblement national (RN) avaient également interpellé le distributeur sur ce jeu édité par les éditions Libertalia. « Case 1 : “je bloque une fac” ; Case 2 : “je tabasse un militant de droite” ; Case 3 : “j’attaque un meeting du RN” ; Case 4 : “je lance un cocktail Molotov sur les CRS”. La Fnac, vous n’avez pas honte ? », a tweeté, dimanche, Grégoire de Fournas, député (RN) de Gironde, récemment exclu de l’Assemblée nationale pendant quinze jours, après y avoir tenu des propos racistes.
La chaîne de magasins justifiait ainsi sa décision de retirer le jeu de son site en expliquant comprendre qu’il puisse « heurter » certains publics.
Imaginé par La Horde, collectif antifasciste qui se dit « énervé, indiscipliné et solidaire », le jeu a été conçu et utilisé pendant deux ans comme un outil de formation des militants, avant d’être commercialisé en septembre 2021, ce qui avait déjà suscité l’indignation d’une partie de l’extrême droite. Les 4 000 premiers exemplaires se sont écoulés en un mois, et la Fnac a vendu 15 % du total, selon Libertalia.
Réédité début novembre sous une forme simplifiée, il propose aux joueurs d’incarner des militants chargés de déjouer les « exactions d’extrême droite » en leur opposant « une résistance de forces égale ou supérieure ». « A aucun moment le jeu ne glorifie l’atteinte aux personnes », justifiait son auteur, qui se fait appeler Hervé de la Horde, auprès du Monde lundi, réfutant les accusations de l’extrême droite.
L’affaire a en tout cas donné à ce jeu peu connu un coup de projecteur inédit, si bien que Libertalia indiquait lundi après-midi que la nouvelle édition du jeu en vente sur son site était épuisée. L’éditeur précisait mardi sur son site avoir lancé une réimpression et être en mesure de livrer de nouveaux exemplaires dès janvier.
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