Anne Lassalle, premier rôle dans la défense du #metootheatre

La dernière semaine de novembre, alors que le cinéma français était dans l’embarras après la mise en examen pour viols de Sofiane Bennacer, à l’affiche du film Les Amandiers, de Valeria Bruni Tedeschi, le téléphone d’Anne Lassalle n’a pas cessé de sonner. Des journalistes, surtout. Elle n’aime pas beaucoup ça, la médiatisation. Un peu par timidité et goût pour la discrétion, mais aussi parce que, cette fois-là, l’avocate a jugé « trop violente » la couverture de cette affaire pour sa cliente, l’une des plaignantes.

Ce n’est pourtant pas la première fois qu’elle est confrontée aux médias : depuis quatre ans, Anne Lassalle, 43 ans, est l’avocate de dizaines de femmes qui ont dénoncé des violences sexuelles dans le milieu du théâtre.

Ça a commencé par hasard. En 2018, une étudiante de l’université de Franche-Comté rapporte à ses parents des histoires qui circulent sur son professeur de théâtre. Elle n’a rien subi mais son récit stupéfie et scandalise les parents qui, par courrier, signalent les faits à la direction. Enseignant du diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques (Deust) de théâtre à Besançon, Guillaume Dujardin proposait à ses étudiantes des séances de « travail » en dehors des heures de cours. « Il leur faisait croire que pour progresser et avoir le concours des grandes écoles de théâtre, il fallait libérer le corps, s’éveiller sexuellement », décrit Anne Lassalle.

Les filles veulent parler mais elles ne savent pas comment s’y prendre. La metteuse en scène Anne Monfort, qui intervient ponctuellement à l’université de Besançon, leur conseille le nom d’une avocate habituée des dossiers de violences faites aux femmes. Elle s’appelle Anne Lassalle, elle est installée aux Lilas, en Seine-Saint-Denis. Et le monde du spectacle ne lui est pas inconnu : son compagnon, Jean-Baptiste Verquin, est lui-même comédien.

Décision historique

Quand elle reçoit les plaignantes, l’avocate est secouée : ce qu’elles racontent est grave. Et Guillaume Dujardin est enseignant depuis longtemps. « Elles étaient dix parties civiles, mais, en réalité, elles sont plus nombreuses. Beaucoup d’ex-étudiantes de la fac de Besançon m’ont écrit pour me dire qu’elles avaient vécu la même chose, des années auparavant. »

En octobre 2020, l’enseignant est reconnu coupable d’agressions sexuelles, de harcèlement sexuel et de chantage sexuel. Il est condamné à deux ans de prison ferme par le tribunal de Besançon, une peine qui sera confirmée en appel en décembre 2021. Une décision historique et une avancée importante dans un milieu où le silence est la règle. « On ne s’en rend pas compte mais tout le monde n’a pas accès facilement à un avocat. Ces jeunes étudiantes, qui ne pouvaient pas aller à Paris au Cours Florent, venaient de milieux simples. »

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