Six mois après sa réélection, Emmanuel Macron voit son autorité contestée jusqu’au sein même de sa majorité. L’accumulation des crises internationales et nationales, les conséquences de l’inflation sur la vie quotidienne des Français, la colère sociale contre plusieurs réformes dont celles des retraites mettent la pression sur l’exécutif qui peine à reprendre la main.
« Je n’ai pas l’intention de perdre mon autorité en six mois… » Cette déclaration d’Emmanuel Macron lors d’un récent dîner à l’Elysée des membres de la majorité présidentielle en dit long sur la situation politique de l’exécutif, car c’est précisément l’autorité du chef de l’État qui est questionnée six mois après sa réélection. Questionnée – voire contestée, c’est la logique démocratique – par ses oppositions dans une Assemblée nationale où le Président ne dispose plus de majorité absolue. Questionnée par les syndicats dont certains organisaient hier une première journée de mobilisation interprofessionnelle en faveur de la hausse des salaires.
Couacs au sein de la majorité
Mais aussi – et c’est bien plus problématique pour lui – questionnée par les propres membres de sa majorité, en l’occurrence François Bayrou (MoDem) et Edouard Philippe (Horizons), qui tous deux font entendre une petite musique différente de celle de l’Elysée. Si l’on ajoute à cela les couacs au sein du gouvernement où des ministres affichent de sérieuses divergences, par exemple sur la taxation des superprofits – sans qu’Elisabeth Borne ne puisse y mettre de l’ordre – quand ils n’expriment pas implicitement leurs ambitions pour 2027, cette rentrée est particulièrement périlleuse pour le chef de l’État.
S’il savait que, dès sa réélection, sa succession serait évidemment ouverte puisqu’il ne pourra pas se représenter, Emmanuel Macron voit aussi s’accumuler sans cesse une multitude de crises et de dossiers sensibles sur son bureau. Au plan international – pré-carré présidentiel – on trouve la guerre en Ukraine dans laquelle la France, au sein de l’Union européenne comme sur la scène mondiale, doit porter sa voix singulière. Il y a aussi les relations complexes avec l’Algérie, le retrait des militaires français de Barkhane au Mali et plus généralement la présence de la France dans une Afrique où la Russie et la Chine poussent leurs pions.
Comment gouverner sans majorité absolue ?
Mais c’est bien sur le plan intérieur que les choses sont les plus complexes : comment gouverner sans majorité absolue à l’Assemblée ? Comment nouer des compromis, texte par texte, avec des oppositions qui n’y voient que des compromissions ou, comme chez Les Républicains, refusent un partenariat en bonne et due forme qui signerait leur effacement ? Comment utiliser le 49.3, cette arme constitutionnelle qui permet d’adopter un texte sans vote (s’il n’y a pas derrière une motion de censure contre le gouvernement), en assurant qu’il ne s’agit aucunement d’un passage en force ? Comment préserver l’unité de la majorité quand une partie est tentée de s’émanciper ? Comment conserver la même volonté de réformer sabre au clair que dans le précédent quinquennat quand le paysage politique et social est radicalement différent ?
Pour l’heure, l’exécutif n’a pas encore trouvé la bonne formule dans la mécanique parlementaire pour avancer sereinement. Même la menace de la dissolution brandie récemment par Emmanuel Macron n’a rien changé.
En attendant, les Français s’impatientent de savoir quelles solutions propose l’exécutif pour répondre à leurs problèmes de pouvoir d’achat amputé par l’inflation galopante. Le gouvernement a beau expliquer que l’inflation est moins forte en France que chez nos voisins, que de nombreuses mesures ont été mises en place avec le « paquet pouvoir d’achat » voté cet été, entre ristourne carburant et bouclier tarifaire sur l’énergie, revalorisation des retraites et des prestations sociales, hausse de la prime de rentrée et suppression de la redevance, sa communication n’imprime pas.
Même quand Emmanuel Macron fait projeter sur France 2 un graphique montrant que la hausse des prix de l’énergie en Europe est contenue en France, cela semble insuffisant.
Essence : l’exécutif jugé pas à la hauteur
Dans ce paysage, la crise des carburants a rajouté à l’anxiété des Français, très sévères sur la gestion à retardement du gouvernement de ce dossier : 74 % des Français considèrent qu’Emmanuel Macron et le gouvernement n’ont pas été à la hauteur de la situation concernant les pénuries d’essence, selon un sondage Elabe paru hier. Et un Français sur trois se dit prêt à se mobiliser dans les prochaines semaines pour le pouvoir d’achat et les salaires…
Si cette crise des carburants semble pouvoir être l’étincelle d’un embrasement social, c’est aussi parce qu’elle se révèle être un condensé de beaucoup des problèmes du moment : coût de l’énergie, dépendance aux énergies fossiles, capacité de se déplacer quand il n’y a pas de transports en commun, taxation des superprofits ou des superdividendes, salaire colossal du PDG de TotalEnergies, partage des profits, et hausse globale des salaires, etc.
84 % des Français jugent que le risque d’une explosion sociale est aujourd’hui élevé. Pour Emmanuel Macron qui sera sur France 2 à nouveau le 26 octobre, il y a urgence à reprendre la main…
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