« Pour beaucoup de personnes trans, la transphobie est si fréquente et si grave que son expérience est totale »

Pour Arnaud Alessandrin, sociologue du genre, des discriminations et de la santé, 2023 sera une année riche. Il sort une nouvelle édition de Sociologie des transidentités (Le Cavalier bleu, 168 pages, 13 euros) et publiera, en février, Discriminations dans la ville. Sexismes, racismes et LGBTphobies dans l’espace public (avec Johanna Dagorn, Double ponctuation), puis, en avril, Mariage pour tous : retour sur la violence d’une conquête (avec Flora Bolter et Denis Quinqueton, Le Bord de l’eau).

Pourquoi actualiser votre livre « Sociologie des transidentités » aujourd’hui ?

Depuis 2018, il y a eu une explosion des études sur les transidentités. On a des connaissances plus fines, notamment sur les mineurs et les discriminations, et de nouveaux champs comme la non-binarité. Le droit est en pleine ébullition. Et la visibilité, dans les séries, dans la presse, s’est accrue et donne à voir des profils plus variés.

Cette visibilité est-elle positive pour les personnes trans ?

Depuis deux ans, il y a une multiplication des paroles transphobes dans les médias, où le débat est souvent mal posé : aux sociologues, qui travaillent avec des cohortes et des statistiques, on préfère des psychanalystes et des chroniqueurs, dont l’avis ne se fonde pas sur des données établies.

Cela rappelle 2013 et les débats autour du mariage pour tous : l’augmentation de la visibilité entraîne une augmentation des oppositions. Didier Eribon, philosophe et sociologue, parlait alors d’un « retour du refoulé homophobe » ; aujourd’hui resurgit un refoulé transphobe. On y retrouve d’ailleurs des opposants au mariage pour tous, souvent issus de la psychanalyse (Observatoire de la petite sirène, Ypomoni…), avec des arguments similaires, comme la protection de l’enfance.

Cette visibilité est-elle le signe d’une augmentation du nombre de personnes trans ?

Elles sont plus visibles, parlent plus, mais c’est difficile de dire que c’est parce que leur nombre augmente. Il n’y a pas d’« épidémie », comme prétend [l’historienne] Elisabeth Roudinesco. Environ 1 % des jeunes se disent trans, et ce chiffre reste stable. L’Assurance-maladie note une forte hausse des demandes de prise en charge de mineurs, mais, jusqu’à récemment, il n’y avait pas de protocole pour leur prise en charge…

Pourquoi les transidentités provoquent-elles ces réactions ?

Les personnes trans, en particulier les mineurs, bousculent une partie de la société. Les familles doivent prendre en compte une parole qu’elles ne comprennent pas toujours. L’école, institution très genrée, fait évoluer ses usages. Et la santé doit s’interroger sur leur prise en charge et sur sa place dans ces parcours.

Il vous reste 55.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Comments are closed.