Réforme du lycée professionnel : « Nous ne pouvons pas construire un programme éducatif uniquement sur l’accès à l’emploi »

Prisca Kergoat, professeure en sociologie à l’université Toulouse-II et directrice du Centre d’étude et de recherche travail organisation pouvoir (Certop), est l’autrice de De l’indocilité des jeunesses populaires. Apprenti·es et élèves de lycée professionnel (La Dispute, 2022). Elle explique les craintes liées à la réforme de la voie professionnelle, discutée en ce moment dans des groupes de travail installés par le gouvernement. Découverte des métiers au collège, allongement de la durée des stages en lycée professionnel… Les premières expérimentations doivent être mises en place à la rentrée 2023. Pour Mme Kergoat, le risque est de « réduire les élèves de lycée professionnel au statut de jeunes travailleurs ».

Une nouvelle journée de mobilisation est prévue, mardi 17 janvier, contre la réforme du lycée professionnel. Pour quelles raisons cette réforme suscite-t-elle l’inquiétude ?

Les craintes portent notamment sur le temps alloué à la formation, tant sur les enseignements généraux que sur les enseignements professionnels. Ce temps serait nécessairement amputé par le rallongement de la durée de stage voulu par le gouvernement. Il y a le sentiment qu’on va réduire les élèves de la voie professionnelle à leur statut de jeunes travailleurs. Or si on veut qu’ils aient les armes pour acquérir un métier et pouvoir en changer, négocier leur salaire, avoir des carrières professionnelles, il faut un socle d’enseignement général mais aussi professionnel qui soit assez large et qui leur permette de rebondir.

On a le sentiment que l’écart est de plus en plus important entre le lycée général, où les dernières réformes créent une formation de plus en plus élitiste, et l’enseignement professionnel, où toutes les ambitions culturelles sont délaissées. Ce n’est pas nouveau, les filières sont très hiérarchisées entre le professionnel, le technologique et le général, et les dernières réformes renforcent cet écart. Le fait de confier les réformes à des ministres différents en dit beaucoup. Celle de la voie professionnelle est confiée à Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de la formation professionnelle, et elle est placée sous la double tutelle du ministre de l’éducation nationale et de celui du travail. Le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, quant à lui, ne s’exprime pas sur le sujet, comme si cela ne relevait pas de sa mission.

La principale idée mise en avant par le gouvernement est le doublement des périodes de stage pour favoriser l’insertion des lycéens professionnels sur le marché de l’emploi. L’efficacité de cette mesure est-elle établie ?

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