Christine Pirès-Beaune Députée socialiste
Vous avez défendu l’instauration d’une taxe de 25 % sur les superprofits dans plusieurs secteurs. Pourquoi ?
À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. L’inflation s’envole à des niveaux jamais vus depuis des lustres, notamment les prix de l’énergie en lien avec le contexte géopolitique, et les Français se serrent la ceinture. Face à cela, certains pays européens n’hésitent pas à mettre à contribution des entreprises qui gagnent plus que d’habitude, non pas parce qu’elles viennent de découvrir une invention révolutionnaire, mais parce qu’elles profitent de la crise pour augmenter leurs bénéfices. C’est le cas dans les secteurs de l’énergie et du transport de marchandises. Dans une telle situation, il est moral de demander un effort supplémentaire à ceux qui le peuvent. C’est même un devoir. La Belgique, l’Espagne, l’Italie et même le très libéral Royaume-Uni s’y mettent. Il est temps que la France suive.
Mais le gouvernement et les députés LR restent arc-boutés contre cette mesure…
J’avoue que je ne comprends pas bien ce dogmatisme. C’est assez incroyable. L’Agence internationale de l’énergie encourage une telle taxe, la Commission européenne l’autorise, le secrétariat général de l’OCDE dit que c’est possible, le FMI aussi… Mais Emmanuel Macron s’entête dans une position intenable. Il prive le pays de 10 milliards d’euros en pleine crise. En refusant de telles recettes qui pourraient très facilement abonder le budget de l’État, il creuse le déficit. Et l’on sait très bien que creuser le déficit aujourd’hui, pour Macron, revient à demander demain des efforts supplémentaires, qui seront insurmontables pour les classes populaires et moyennes.
Pourtant, l’exécutif passe son temps à se présenter en « bon gestionnaire »…
Mais nous sommes très loin d’une bonne gestion ! Dès qu’il parle de déficit, le gouvernement se focalise sur des dépenses qu’il veut réduire, mais ne regarde jamais les recettes. Or creuser un déficit passe aussi par une baisse des recettes. C’est le cas en France, comme l’a dénoncé la Cour des comptes. Mais le refus du gouvernement ne met pas fin au débat, loin de là. Le Sénat va désormais débattre de cette mesure. Et s’il ne tranche pas en faveur de cette taxe, la question reviendra à l’automne, lors de l’examen du budget. La bataille ne fait que commencer et plusieurs députés macronistes se sont déjà exprimés en faveur de cette taxe.
La pression sur la Macronie peut-elle augmenter ?
Je n’en doute pas. J’attire vraiment l’attention du gouvernement sur la question. Si l’inflation continue d’augmenter comme l’indiquent les prévisions, les Français seront toujours plus nombreux à ne pas pouvoir se chauffer, à voir leurs comptes vides et à être des plus limités dans leurs déplacements. Je crains que cela ne finisse très mal à l’automne, quand les grandes sociétés vont publier leurs résultats qui s’annoncent mirobolants… Les inégalités, quand elles sont si criantes, quand les gens comptent leurs centimes alors que d’autres brassent des milliards, cela devient insupportable. Il faut avoir cela à l’esprit. C’est une question de justice. Et de cohésion de la nation.