Selon un document que Le Point a pu consulter, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a fait préparer une première note de quelques pages sur le renforcement des règles d’intégrité des eurodéputés après la tempête du Qatargate. Les premières pistes seront soumises à l’examen par la Conférence des présidents (COP, pour Conférence of Presidents) de groupes politiques, jeudi 12 janvier. La présidente entend rétablir le crédit de l’institution sans mollir.
En premier lieu, elle demande à la COP de mandater une task force ayant pour mission d’établir rapidement une feuille de route et un plan de mise en œuvre. Cette task force aurait un président et serait constituée des membres du comité d’éthique (un organe aujourd’hui uniquement consultatif) et dotée de moyens administratifs adéquats. De plus, elle rendrait des comptes à la COP.
À LIRE AUSSIQatargate : les pseudo-règles éthiques des eurodéputés passées au crible
La note se fixe 14 objectifs qui vont de la régulation des conflits d’intérêts à l’interdiction des groupes d’amitié avec les pays tiers, au renforcement du contrôle des lobbyistes (ONG comprises), en passant par une plus grande transparence des députés (cadeaux, activités et professions annexes détaillés), une publication obligatoire de leurs rendez-vous avec des tiers dans le cadre des résolutions du Parlement, une meilleure régulation des entrées dans l’enceinte du Parlement ou encore une formation obligatoire des assistants parlementaires aux règles de bonne conduite éthique et financière…
Les règles éthiques seraient, du reste, étendues aux assistants parlementaires. Chaque député devrait nommer un assistant en tant que responsable de la conformité des règles. Les anciens députés – comme Pier Antonio Panzeri, qui semble au cœur de l’affaire – n’auraient plus un accès aussi libre au Parlement et ils ne pourraient plus y faire entrer qui bon leur semble.
Deux demandes de levée d’immunité
Bref, ainsi serait corrigé tout ce qui, à la lumière de l’enquête judiciaire, a fait défaut et a conduit quelques personnalités – dont l’ex-vice-présidente grecque Eva Kaili – à dormir en prison pour une tentative présumée de pression politique de la part du Qatar et du Maroc, pour ce qu’on en sait. Mais l’affaire est toujours en instruction et il convient évidemment de se montrer prudent.
À LIRE AUSSIQatargate : sur la piste d’une « Italian Connection »
Le Parlement a été saisi d’une demande de levée d’immunité parlementaire pour deux autres députés – le socialiste belge Marc Tarabella et le social-démocrate italien Andrea Cozzolino. Aucune charge n’est à l’heure actuelle retenue contre eux, mais la justice veut les entendre et la procédure exige, au préalable, la levée de leur immunité parlementaire. Roberta Metsola veut aller vite afin de montrer que le Parlement européen coopère pleinement avec l’enquête du juge Michel Claise.
La fin de l’autorégulation ?
La procédure prend néanmoins un peu de temps : dès le 16 janvier, avec la reprise des travaux de la plénière, la présidente Metsola informera l’assemblée. La commission juridique devra rendre un avis. Et la plénière devrait pouvoir s’exprimer lors de la session de février. À noter que Marc Tarabella n’a pas souhaité faire jouer son immunité parlementaire, qu’il nie toute implication et se tient à la disposition de la justice. Son domicile a été perquisitionné en présence de Roberta Metsola, comme l’exige l’article 59 de la Constitution belge.
À LIRE AUSSIQatargate : « Il faut une opération mains propres »
Mais revenons aux renforcements des règles éthiques. Le Parlement s’est doté d’un code de conduite il y a plusieurs années, mais, sous la pression d’une majorité de députés, les règles sont demeurées largement facultatives. Le principe de l’autorégulation a été préféré au nom de la « liberté du mandat », chèrement défendue par Rainer Wieland, un vice-président CDU depuis très longtemps dans les murs de l’enceinte. Selon ce principe, un parlementaire européen n’a de comptes à rendre qu’à ses électeurs au bout de ses cinq années de mandat. Dans l’intervalle, il le mène à sa guise.
La liste des infractions sanctionnables allongée
C’est à ce principe que le catalogue de mesures profilées par Roberta Metsola veut mettre fin. On serre la vis à tous les niveaux. Y compris à celui des sanctions. Ainsi, le point 14 de la note sera soumis à la COP : « La liste des activités sanctionnées devra être révisée en conséquence pour aider au respect des obligations et des responsabilités énumérées dans ce document. »
Au point 13, le Parlement serait invité à renforcer sa « coopération » avec les services judiciaires des États membres, en particulier vis-à-vis des tentatives étrangères d’influencer le processus démocratique.
Les résolutions d’urgence sont apparues comme l’un des maillons faibles de la chaîne démocratique, donnant lieu à des batailles d’influence étrangères à travers quelques députés placés à des rouages essentiels. Le point 12 de la note y revient et propose de filtrer davantage ces résolutions. La Conférence des présidents serait censée accepter uniquement les résolutions qui auront été dûment débattues en commission et en se limitant « en longueur et en portée » strictement au sujet des droits humains.
Source: lepoint.fr
Comments are closed.