« Pour les jeunes générations, leur qualité de vie les intéresse autant que leurs perspectives de carrière »

Spécialiste des évolutions démographiques et des trajectoires familiales, Didier Breton est professeur de démographie à l’université de Strasbourg. Il est également chercheur associé à l’Institut national d’études démographiques.

Les mouvements de la population, analysés par les démographes, sont-ils anticipés dans les politiques publiques ?

Il y a toujours une contextualisation des politiques publiques : les données démographiques de cadrage sont connues et partagées. Mais sont-elles vraiment prises en compte ? Ce n’est pas évident. Les politiques publiques sont souvent définies à court ou moyen terme du fait du temps des mandats, et ne se projettent pas ou difficilement sur le long, voire très long terme, qui est celui de la démographie. C’est ce qu’on appelle l’inertie démographique.

Par exemple, concernant le vieillissement, les politiques publiques misent beaucoup sur l’entraide familiale et les dispositifs d’aide pour le maintien à domicile. Or les réseaux d’aidants diminuent, ce qui entraîne un nombre croissant de personnes seules. Mais pour que la société prenne conscience de cela, il faut du temps. C’est pourtant une évidence, comme en témoignent les chiffres. Mais quand arrive le moment de l’utilité d’une politique publique, il est souvent trop tard. De même, les recompositions familiales, les séparations de couples avec enfants – phénomènes de société connus – ne sont pas vraiment prises en compte, ou tardivement, dans les politiques d’accès et de construction de logements. Ce décalage est notamment lié au fait qu’il n’y a plus d’organisme travaillant sur le temps long, comme le faisait le Plan en son temps, avec des effets sur les politiques publiques.

Confirmez-vous une décorrélation croissante entre emploi et résidence ?

Emploi et résidence sont liés. Mais dans l’arbitrage entre choix de vie personnelle et professionnelle, l’équilibre semble avoir changé en sortie de crise sanitaire. Je dis « semble », car on n’a pas encore beaucoup d’éléments pour mesurer ce phénomène. Les employeurs le soulignent eux-mêmes : aujourd’hui, les personnes négocient, au moment de leur embauche, des éléments relatifs à leur qualité de vie personnelle, autant si ce n’est plus que leur salaire. Les individus, et notamment les jeunes générations arrivant sur le marché du travail, ont aussi intégré une vision à court terme : leur qualité de vie les intéresse autant que leurs perspectives de carrière. Un nouvel équilibre semble se dessiner au profit de la qualité de vie.

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