« Il est temps de réhabiliter les “fusillés pour l’exemple” de la première guerre mondiale »

Certaines plaies de la guerre 1914-1918, plus d’un siècle après, sont encore béantes. Ainsi des « fusillés pour l’exemple », ces soldats qui, notamment, ont parfois été tirés au sort dans leur compagnie pour « l’exemple », ou qui n’ont pu entendre l’ordre donné, ou n’ont pu l’exécuter.

Pour beaucoup, ils sont encore confondus avec ceux qui ont été considérés comme traîtres, déserteurs, qui se sont automutilés pour ne plus combattre et ont ainsi tenté de « fuir leurs responsabilités ou ce devoir impérieux de tenir les positions », comme l’indiquaient les actes d’accusation devant les conseils de guerre. Ils ont alors été passés par les armes, pour l’exemple, par leurs propres camarades sur ordre de l’état-major.

Beaucoup étaient des poilus « ordinaires », embarqués dans un conflit qui, pour certains, pouvait les dépasser, qui sont allés au bout d’eux-mêmes, souvent traumatisés par la violence des combats, le « marmitage » [bombardement], les gaz, et les grenades, dans ces tranchées et boyaux boueux si bien dépeints dans de nombreuses lettres ou de nombreux livres bien connus.

Au-delà des différences de situations entre ces hommes, ils ont subi un déni de justice : interrogatoires souvent à charge, absence presque systématique de défense par un avocat professionnel, absence de circonstances atténuantes, de droit de recours, de droit, réel, de demander grâce.

Une procédure implacable

Ils n’ont pu se défendre face à une procédure implacable, vestige, au moins au début du conflit, de celle des armées napoléoniennes, et jouée d’avance. Certains se sont élevés contre cette injustice, pendant et après-guerre, tentant de rendre leur honneur à leurs camarades. Ce fut le cas pour les fusillés de Souain (Marne).

L’Assemblée nationale, elle-même, dès 1916, chercha à empêcher « les crimes des conseils de guerre » en rétablissant les droits de la défense. A l’unanimité après-guerre, elle vota plusieurs lois permettant la réhabilitation de plusieurs centaines de ces hommes dont les familles, les enfants avaient connu l’opprobre et les regards détournés, parfois les insultes et violences de leurs voisins, de leurs camarades de classe. Puis ce fut l’absence d’inscription, au début des années 1920, du nom sur le monument aux morts.

Malgré les réhabilitations de l’après-guerre, le travail des historiens permet de retenir 639 poilus qui n’ont pu voir leur procès révisé faute de témoins ou d’éléments juridiques nouveaux. Ce qui unit ces hommes, par-delà la mort, c’est qu’ils ont tous été des victimes.

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