Couples franco-allemands : « Une solution naturelle et prospective serait d’octroyer aux deux conjoints la double nationalité »

Le 60e anniversaire du traité de l’Élysée va donner lieu à des célébrations et des festivités justifiées : la relation franco-allemande − qu’on l’appelle « couple franco-allemand à la française » ou « moteur franco-allemand à l’allemande » − est un exemple historique rarissime de réconciliation entre deux peuples sinon frères, du moins cousins, souvent ennemis, devenus amis.

Les dirigeants qui vont se réunir pour ces célébrations ont bien des soucis en tête, partagent des angoisses communes et souvent des positions similaires, parfois identiques. On imagine qu’au menu des discussions figureront la guerre en Ukraine, la crise énergétique, les relations avec les États-Unis et avec la Chine et, d’une manière générale, toutes les questions stratégiques d’actualité.

On peut toutefois regretter que l’agenda de ces discussions ignorera certainement une question qui n’est pas d’ordre stratégique mais relève plutôt d’une dimension citoyenne, de la cohabitation quotidienne : il s’agit du statut des couples mixtes franco-allemands. Dans un couple franco-allemand, chaque partenaire conserve sa nationalité.

Chacun peut également demander la nationalité de l’autre, et s’il a suffisamment vécu sur le territoire de ce dernier il peut, comme n’importe quel étranger, faire une demande de naturalisation qui sera étudiée en fonction de sa durée de résidence, de ses ressources et de son degré d’intégration et d’assimilation. Cependant, acquérir la nationalité du partenaire n’a rien d’automatique. Cet état de choses peut créer des difficultés très malencontreuses en cas de dissensions dans le couple.

Devenir une référence au droit européen

À titre d’exemple, la garde d’un enfant sera confiée de préférence à celui des deux partenaires qui a la nationalité du pays de résidence du couple, ce qui crée un biais dans l’appréciation que les juges peuvent faire de l’intérêt de l’enfant de résider avec l’un ou l’autre parent. Une solution naturelle et prospective serait d’octroyer systématiquement aux deux conjoints la double nationalité.

Chacun d’entre eux serait considéré comme un national et disposerait des mêmes droits quel que soit le pays de résidence, la France ou l’Allemagne. Cette évolution pourrait servir, comme c’est souvent le cas des décisions conjointes prises par la France et l’Allemagne, de référence pour le droit européen.

L’on pourrait imaginer que cette notion de couple binational s’élargisse à toutes les unions nationales en Europe, et même qu’à terme, la citoyenneté européenne s’enrichisse de nouveaux droits qui rendraient obsolète la notion de binationalité en permettant à tous les citoyens de l’Union de s’unir à n’importe quel autre citoyen de l’Union en ayant les mêmes droits que n’importe quel citoyen du pays de résidence du couple. La citoyenneté européenne prendrait tout son sens et l’Europe y gagnerait un socle démocratique élargi.

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