En Iran : « Nos souffrances, causées par toutes ces années d’injustice, sont enfin devenues plus puissantes que la peur »

Comme beaucoup d’Iraniens, Hamed, un autoentrepreneur, croyait, il y a encore quelques années, aux vertus des manifestations silencieuses. Cette période est aujourd’hui révolue. A la présidentielle de 2009, alors âgé de 22 ans, il avait voté pour l’ancien premier ministre Mir Hossein Moussavi, soutenu par les réformateurs, dont l’ex-président Mohammad Khatami (1997-2005). Dans sa ville conservatrice d’Ispahan, les sondages et l’ambiance à l’université faisaient dire à Hamed que son candidat allait remporter le scrutin.

Avec son vote, il souhaitait contribuer à mettre un point final à la présidence de l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013), marquée par une accélération du programme nucléaire de Téhéran et son isolement sur la scène internationale.

Mais rien ne s’est passé comme prévu. Mahmoud Ahmadinejad a été reconduit haut la main, dès le premier tour, avec la bénédiction du Guide suprême, Ali Khamenei. Une semaine plus tard, la plus haute autorité du pays donnait son feu vert à la répression des manifestations dénonçant la « fraude électorale », baptisées « mouvement vert ».

Cet été-là, avec des millions d’autres personnes dans tout le pays, Hamed est descendu dans la rue. Sans slogan, sans aucune atteinte aux propriétés publiques, juste une présence massive, pour ne pas provoquer la République islamique. « En 2009, on se réunissait sur les places centrales. Ceux qui manifestaient étaient issus de la classe moyenne. On ne disait rien contre le système. Le slogan le plus radical était : “A bas le dictateur.” C’est tout ! », se rappelle le jeune homme, joint par Telegram.

La contestation s’est étalée sur un an et demi, avec des jours précis de mobilisation, annoncés à l’avance sur les réseaux sociaux. Hamed a été arrêté, en novembre 2010. Avant d’être relâché au bout de vingt-quatre heures, il a été tabassé et obligé de signer un document dans lequel il s’engageait à ne plus rien contester en Iran. Mir Hossein Moussavi et un autre candidat dénonçant le résultat officiel de la présidentielle, le religieux Mehdi Karoubi, ont été assignés à résidence. A l’époque, Hamed ne pensait plus retourner aux urnes.

La puissance de la machine répressive

En 2013, pourtant, Hassan Rohani, se présentant comme une figure modérée, a réussi à mobiliser un nombre important d’Iraniens, dont Hamed, dans l’espoir qu’il était encore peut-être possible de réformer de l’intérieur le régime iranien. Le candidat a remporté la présidentielle dès le premier tour. Il a même réussi à conclure l’accord sur le programme nucléaire de Téhéran avec la communauté internationale, en 2015, permettant la levée d’une partie des sanctions contre l’Iran.

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